Le Maquettiste de bijoux…

Savoir-faire

Écrit par Johnny Walter - Jeudi 4 février 2016

Travail sur cire de la créatrice Amélie Viaene Bague Phoenix ©BérengèreTreussard

Nous avions vu, à l’occasion de notre premier article, le travail de création attribué au dessinateur de bijoux.

Aujourd’hui, nous allons nous attarder sur le métier de maquettiste, fort peu connu et pourtant essentiel à la réalisation du bijou. Celui-ci est le récipiendaire des dessins techniques, réalisations gouachées ou crayonnées. Il a la charge de donner du volume à la créativité jusque-là exprimée en 2D, en utilisant la matière. A ce titre, il utilisera du métal (pas encore précieux…) ou de la cire (verte, rouge ou bleue, tout dépendra de la dureté recherchée) pour littéralement sculpter le bijou.

Travail sur cire de la créatrice Amélie Viaene ©ChristopherJeney

Comment ? En utilisant tout l’attirail du bijoutier : un bocfil (ou scie de bijoutier), des limes (carrelette – longue et plate, dont il choisira scrupuleusement le grain – double ou aiguilles, portant des noms aussi étranges que « feuille de sauge » ou « queue de rat », en réalité, une description littérale de leur forme), une pièce à main montée sur un moteur sur laquelle on viendra greffer une fraise boule par exemple.

Travail sur cire de la créatrice Amélie Viaene ©ChristopherJeney

Que de vocabulaire et d’outils techniques ! Rien de surprenant en réalité quand on se souvient que, par définition, la bijouterie est un métier d’art (donc artisanal) qui fait appel à ce qui est communément désigné comme « l’intelligence de la main » : une gestuelle extrêmement précise et délicate !

On saluera donc ces artistes joailliers qui maîtrisent tous les stades de la création joaillière comme Amélie Viaene que vous avez pu découvrir sur le blog qui porte un soin tout particulier à ses créations en cire pour obtenir la ligne parfaite.

En effet, la maquette a deux objectifs :

– d’abord, la recherche de la meilleure forme pour le bijou à venir. C’est le moment ou la science du bijoutier se fait magie. En effet, celui-ci dans son effort d’interprétation technique, va naturellement proposer la forme la plus optimale : elle sera parfaitement esthétique, aux cotes exactes, légère et déjà belle.

On l’utilisera alors comme un outil pour la validation du projet. Le client interne ou externe donnera son aval pour le lancement de la production en fonction de la maquette proposée. Une fois celle-ci approuvée, elle devient un prototype,

– dans d’autres circonstances, et c’est là que la maquette prend tout son sens, elle sera utilisée pour « la fonte à cire perdue ». Cette technique n’est pas nouvelle, les égyptiens l’utilisaient déjà ! Elle prend son plein son essor avec le développement récent des techniques semi-industrielles.

En quoi consiste cette technique de fonte à cire perdue ? La maquette validée va servir à créer un moule en silicone. Dans ce moule, négatif de la forme initiale, on injectera autant de fois que nécessaire de la cire, que l’on greffera ensuite sur un arbre (une tige de cire à laquelle on vient souder nos copies). Cet arbre et ses greffons sont ensuite mis en plâtre, c’est-à-dire que l’on va placer l’arbre dans un cylindre qui comporte un fond puis verser du plâtre à l’intérieur. Après séchage, on va mettre le cylindre dans un four. En chauffant, la cire « disparait » – elle est perdue ! – et laisse, à son tour, une cavité qui n’attend plus que de recevoir le métal en fusion. Une fois refroidi, on plongera le cylindre dans l’eau ou l’huile froide, ce qui aura pour effet de faire éclater le plâtre.

Que nous reste-t-il alors ? Un bel arbre, copie conforme de nos cires, mais cette fois-ci en métal !

Ce jeu de moulage est extrêmement efficace et permet de réaliser des pièces très fines et délicates. Il n’est pas rare, en joaillerie, de fondre l’ensemble des composants d’une pièce, pour ensuite les faire assembler en atelier par des mains expertes.

On peut tout produire avec cette technique, de la maille ou des sertissures, des pièces en métal susceptibles d’accueillir des pavages de pierres, des pièces volumineuses, des petites pièces, des motifs naturalistes, des fermoirs, etc.

Toutefois, n’oublions qu’à l’origine, c’est le maquettiste qui donne sa forme à la fonte. Sans talent, la fonte à cire perdue ne peut pas être qualitative…

Maquettiste ©Académie des Métiers d’Art Cires de bijoux ©Académie des Métiers d’Art Maquettiste ©Académie des Métiers d’Art

Certains rétorqueront qu’aujourd’hui, les imprimantes 3D font très bien le travail du maquettiste. Il n’y a rien de plus faux ! Les deux procédés proposent des avantages non négligeables et, en premier lieu, en ce qui concerne les imprimantes, la possibilité de produire plusieurs maquettes d’une seule traite avec force détails. Cela ne saurait suffire à créer un beau bijou ! Il faudra toujours que le bijoutier retravaille ce métal pour lui donner son caractère d’objet d’art.

La maquette n’est pas toujours une étape obligatoire : certains joailliers fabriquent directement le bijou en métal, si les formes sont simples, et si cela leur permet de gagner du temps ou de réduire le nombre d’étapes de production. Cela fonctionnera très bien pour les bijoux uniques ou les petites séries (moins de 5 pièces) et leur confèrera toute leur rareté.

En France, les bijoutiers sont formés aux deux techniques. Ils savent les mobiliser au bon moment pour optimiser la fabrication du bijou et sont toujours à l’écoute des différentes intervenants du projet (un dessinateur, un sertisseur, un spécialiste de l’émail, etc.).

Dans notre prochain article, nous nous pencherons sur le métier du joaillier qui va donner sa forme finale au métal visible sur le bijou. Sa tâche sera d’autant plus ardue que la pièce est complexe.

Johnny Walter – L’Académie des Métiers d’Art