Thierry Baenteli, joaillier audacieux et indépendant

Femme Portraits Savoir-faire

Écrit par Paula Grineri - Mercredi 9 décembre 2020

Le joaillier suisse s’est fait connaître avec une collection en caoutchouc et diamants très avant-gardiste à la fin des années 80. Depuis, la marque s’est développée dans le monde entier avec des collections sobres et élégantes au porté très étudié. La maison Baenteli surprend à nouveau en présentant sa nouvelle collection de pierres fines interchangeables et faciles à porter. Entretien avec le fondateur de la marque pour comprendre le style Baenteli.

Bague améthyste et saphirs roses, Baenteli ©BérengèreTreussard2018

Un joaillier indépendant au design audacieux

Après avoir appris le métier de bijoutier-joaillier à l’École d’arts appliqués de Chaux-de-Fonds, vous reprenez quelques années plus tard l’atelier de votre père. Vous aviez déjà des envies d’indépendance ?

Effectivement, après ma formation et une première expérience en entreprise, j’ai souhaité très vite reprendre l’atelier de mon père, également bijoutier-joaillier, pour faire ma propre collection. Je n’avais pas envie de travailler pour les grandes marques horlogères suisses. Je voulais vraiment avoir cette liberté de faire mes propres bijoux et exprimer ma vision de la bijouterie-joaillerie, ce que j’ai fait pendant près de 30 ans.

Puis l’âge avançant, j’ai décidé de me consacrer uniquement à la création et j’ai cédé mon atelier suisse à des amis qui l’ont repris sous le nom de Pradoren.

Vous avez présenté votre collection « black » en caoutchouc et diamants à l’ouverture de votre boutique en 1987, c’était un choix audacieux : pourquoi ces matériaux ?

Au départ, le choix du caoutchouc répondait à une contrainte de budget. J’avais un très petit capital de 60 000 francs que j’avais empruntés à la banque. Et j’en ai fait une collection. Des petites pièces or 18k serties, pavées de petites pierres et diamants et le tout monté sur du caoutchouc noir mat, profond qui faisait bien ressortir les pierres. Il faut dire que dans les années 80, le pavage était peu répandu en joaillerie et se pratiquait seulement en horlogerie. Je n’ai toujours pas trouvé de meilleure matière que le caoutchouc noir mat et tendre pour mettre en valeur le diamant brillant et très dur. Contraste éblouissant !

Bagues caoutchouc et diamants, collection « black », Baenteli ©Baenteli

Vous l’avez ensuite présentée à Baselworld en 1992, comment cette collection a -t-elle été accueillie ?

Le public a bien accueilli cette collection dès son lancement mais du côté des professionnels, l’accueil a été tout autre ! Ces derniers m’ont pratiquement « jeté » quand je leur ai proposé cette collection. « Du caoutchouc avec des diamants, Monsieur Baenteli vous allez vous casser la gueule ! [rire] ». Pourtant nous avions été distingués par notre 1er prix De Beers en 1991 avec une bague cube en caoutchouc or et diamant carré princess cut.

Jusqu’à ce qu’une bijouterie très en vue et assez avant-gardiste à Berne décide de nous distribuer. À partir de ce moment-là, la collection a eu un succès incroyable auprès du public. La boutique vendait des dizaines de pièces par jour. D’autres détaillants ont suivi, nous permettant de nous développer au niveau international.

Avez-vous fait évoluer cette collection par la suite ?

Dans le milieu des années 90, nous avons étoffé la collection caoutchouc avec des pièces plus joaillières et plus spectaculaires. Je souhaitais me démarquer de la concurrence avec des pièces originales.

Le style Baenteli : des lignes sobres et élégantes à porter tous les jours

De nombreuses collections ont vu le jour depuis la collection en caoutchouc et diamants, comment définiriez-vous votre style ?

Je suis d’origine suisse donc mon influence est à la fois germanique et latine. Je vais privilégier les formes sobres, très simples. Je n’aime pas la décoration inutile, les fioritures. Je ne dessine pas de bijoux rococos. Pour moi le bijou est le prolongement du corps, d’une main, d’une épaule. La pièce doit s’adapter au corps. Par conséquent, je me suis tout de suite intéressé au confort du bijou : on doit pouvoir le porter tous les jours, travailler avec, vivre avec ! Même si certaines créations sont plus volumineuses, elles sont toujours très confortables et étudiées ergonomiquement pour que la personne puisse enfiler le bijou comme un gant.

Vous ne verrez jamais chez moi un papillon ou une petite hirondelle sur le doigt mais plutôt une forme élégante, sobre, toujours pure, une surface qui a une raison d’être, une origine, un but et qui n’est pas là uniquement pour la décoration.

Pour la dernière collection que nous venons de réaliser avec Pradoren, nous sommes partis sur des lignes simples, sobres, pas trop extravagantes et toujours très confortables.

Vos matériaux de prédilection ?

Je suis en train de faire une bague trois doigts en cuivre, c’est une espèce de serpent qui va passer entre les phalanges. J’aime les matières naturelles, le bois, les pierres fines.

En ce moment j’ai beaucoup de plaisir à voir quelques grandes marques qui osent des matières comme le titane, l’aluminium, le bronze et les pierres fines. Enfin on sort de cet éternel or et diamant !

Quelles pièces représentent le mieux votre univers ?

Probablement ma bague Montgolfière. Créée il y a 30 ans, elle est toujours actuelle. C’est une bague boule, ronde, avec une pointe en bas. Sobre et neutre, elle monte assez haut sur le doigt, mais elle est aussi douce et très confortable. Nous l’avons modernisée avec la collection Sphère plus récemment.

La collection Cascades, sorte de rythme de pierres qui tombent en cascade mais régulières comme un jet d’eau, un jet d’eau de pierres, représente bien mon travail également. La Cascade c’est un peu plus dynamique, plus rock’n’roll.

Pour les personnes plus classiques, la ligne Royales est intemporelle, plus nature, romantique et facile à porter tous les jours. Sans oublier la collection Disco avec ses ellipses concaves assemblées entre elles qui donnent comme des tâches d’or sur le doigt.

Bague diamants et saphirs roses, collection Sphère, Baenteli ©BérengèreTreussard2016 Bague double doigt saphirs roses, collection Cascades, Baenteli ©BérengèreTreussard2018 Bague rubis et diamants, collection Royales, Baenteli ©Baenteli

Parlez-nous de votre dernière collection Guillotine qui a rencontré un beau succès à Vegas…

La ligne Guillotine est constituée de pièces très sobres avec une pierre fine soulignée par une ligne fine de diamants. C’est ludique avec un système de pierres interchangeables. L’idée c’était de faire tenir une pierre avec le moins de matière possible, c’est vraiment la base de la joaillerie : mettre en valeur une pierre. Mais les pierres étant des pierres fines, comme de l’onyx, du lapis lazuli, de la pierre de lune, j’ai trouvé une solution, que j’appelle Guillotine, pour fixer la pierre très simplement. Je voulais aussi que la cliente puisse changer la couleur au gré de ses envies. Un jour elle porte sa monture en or blanc pavée de diamants avec un lapis lazuli et le lendemain elle va pouvoir mettre un corail rose, par exemple. Nous voulions une collection ludique et abordable.

Collection Guillotine, pierres précieuses interchangeables et monture en or pavée de diamants, Baenteli ©Baenteli Collection Guillotine, pierres précieuses interchangeables et monture en or pavée de diamants, Baenteli ©Baenteli

Comment se passe votre collaboration avec Pradoren ?

C’est une collaboration fructueuse : je me concentre sur le design et je dois dire que j’ai beaucoup de liberté ! Pradoren gère les approvisionnements et la production en parallèle de leurs collaborations avec d’autres grandes marques.

Bague diamants et saphirs réalisée par l’atelier Joaillier Pradoren, Baenteli ©BérengèreTreussard2018

Quels sont vos projets pour l’avenir, pour la marque ?

Je poursuis mon travail de recherche et continue à développer, entre autres, la ligne Guillotine avec toujours la même quête : réussir à faire un bijou qui tiendra 30 ans

Baenteli
Boutique :
Route du Château 34,
2520 La Neuveville,
Suisse
Email : info@baenteli.ch
Téléphone : +41 32 751 31 00

Propos recueillis par Isis Eutrope